Si vous lisez ces lignes, c’est que comme moi, vous avez déjà parcouru le net à la recherche d’informations pertinentes sur l’or rose et l’or rouge.
Et si tel est le cas, vous aurez certainement constaté la pénurie d’articles de fond sur le sujet. Un manque d’autant plus criant que dans le même temps les sites marchands regorgent de collections de bijoux en or rose, qu’ils nous présentent volontiers comme une nouveauté.
Pourtant soyons clairs, cet alliage n’a rien d’inédit, et s’il est devenu la nouvelle coqueluche des professionnels du marketing du luxe, c’est qu’il constitue sans doute une énième recette pour faire du neuf avec de l’ancien…
Comme le blog de LA Joaillerie met le rouge à l’honneur ce mois-ci, j’ai pensé utile de revenir pour vous sur les caractéristiques de l’or rouge et de sa déclinaison rose « layette » (cf #6 de cet article), histoire de tordre le cou à quelques idées reçues et de tenter d’y voir plus clair sur les raisons de cet engouement.
Au sommaire de cet article:
VOUS ÊTES PRESSÉ ? RETROUVEZ L’ESSENTIEL DE CET ARTICLE EN UNE INFOGRAPHIE ICI
#1. L’OR ROUGE ET L’OR ROSE NE SONT PAS VRAIMENT DE L’OR, CAR L’OR VÉRITABLE EST JAUNE. FAUX
#2. LES ALLIAGES D’OR ROUGE ET D’OR ROSE SONT UNE CRÉATION RÉCENTE. FAUX
#3. L’OR EST COLORÉ POUR DES RAISONS ESTHÉTIQUES. VRAI, MAIS UN PEU COURT TOUT DE MÊME !
#4. L’OR ROUGE ET L’OR ROSE N’ONT AUCUN DÉFAUT. EH NON ! CE SERAIT TROP SIMPLE…
#5. L’OR ROSE EST APPARU EN RUSSIE. FAUX
#6. L’OR ROUGE ET L’OR ROSE SONT DES MÉTAUX FÉMININS. VOUS ÊTES SÉRIEUX ?
#7. L’OR ROUGE ET L’OR ROSE CONVIENNENT À DES PERSONNALITÉS DOUCES ET CALMES. NI VRAI, NI FAUX !
#8. L’OR ROSE EST UN PHÉNOMÈNE DE MODE. VRAI
#9. SI VOUS N’AVEZ PAS LE TEMPS DE LIRE TOUT CET ARTICLE, VOICI CE QU’IL FAUT RETENIR
#1. L’OR ROUGE ET L’OR ROSE NE SONT PAS VRAIMENT DE L’OR, CAR L’OR VÉRITABLE EST JAUNE. FAUX
Non seulement la couleur de l’or pur est jaune, mais comme l’écrivait déjà Pline l’Ancien en 77 de notre ère, au livre XIX de son Histoire Naturelle, l’or natif « à la différence des autres métaux, qui, pour être formés, doivent passer par le feu,(…) est or immédiatement, et il est complètement élaboré dès qu’il est trouvé. »
Grenaille d’or fin. Crédit photo: Bob Ivanovitch.
Inoxydable, précieux et noble, l’or pur (24 carats) est néanmoins très malléable. Pour être travaillé, il doit donc être allié à d’autres métaux, dans des proportions variables en fonction des caractéristiques souhaitées en terme de :
- couleur
- malléabilité
- ténacité
- durabilité
Feuilles d’or 18 carats: gradations de l’or vert à l’or gris. Crédit photo: Bob Ivanovitch.
En France, le titre légal de l’or utilisé en bijouterie et en joaillerie est égal ou supérieur à 18 carats (c’est à dire à 750 millièmes). Autrement dit, quel que soit le métal adjoint à l’or pour lui donner sa couleur (argent, cuivre, zinc, nickel), la proportion effective d’or fin est invariable.
Un or jaune, un or vert et un or rouge 18 carats seront donc constitués d’un même poids d’or fin.
Feuille d’or rouge 18 carats. Crédit photo: Bob Ivanovitch.
- La composition de l’or rouge 18 carats est de 75% d’or et 25 % de cuivre.
- La composition de l’or rose 18 carats est de 75% d’or, 20% de cuivre et de 5 % d’argent.
C’est donc la proportion d’argent (qui peut varier jusqu’à 10% pour une tonalité de rose plus pâle) qui détermine la couleur rose de l’or rouge.
Quelle que soit la couleur de son alliage d’or 18 carats, votre bijou doit porter deux poinçons :
- la Tête d’Aigle ou Poinçon d’État qui indique le titrage
- le Poinçon de Maître qui est unique et propre à chaque fabricant
#2. LA CRÉATION DES ALLIAGES D’OR ROUGE ET D’OR ROSE EST RÉCENTE. FAUX
La prétendue nouveauté de l’or rose est un argument marketing. L’or rouge et l’or rose ont pour ainsi dire toujours existé.
L’alliage d’or et de cuivre était connu des Égyptiens à l’époque ptolémaïque, puisqu’ils l’utilisaient déjà pour la fabrication des bagues ou pour la soudure de certains objets.
On le retrouve à l’époque romaine, quand Pline au Livre XXIX de son Histoire Naturelle évoque, en opposition avec l’or argenteux, l’or cuivreux, qui dit-il « se contracte, s’émousse, et ne prend que difficilement la soudure : pour ce dernier or on fait une soudure particulière, en ajoutant au mélange ci-dessus indiqué de l’or et un septième d’argent, le tout broyé ensemble. »
Diderot et D’Alembert, L’Encyclopédie, Recueil de planches sur les Sciences, les Arts Libéraux, et les Arts Méchaniques avec leur explication, planche XV.
Enfin, dans l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, l’or rouge est désigné comme « un or au titre de 16 karats, allié par trois parties d’or fin sur une de cuivre rosette » avant d’ajouter que dans un souci naturaliste, l’or rouge est utilisé dans les bijoux pour représenter la couleur de la peau des personnages figurés.
L’or rouge et l’or rose ne sont donc pas des nouveautés. Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, c’est moins leur couleur que leurs propriétés physiques qui expliquent leur utilisation en bijouterie et en joaillerie.
Boîte-écrin du XVIIIe siècle en or rose et or jaune. Collection privée. Crédit photo: Bob Ivanovitch.
#3. L’OR EST COLORÉ POUR DES RAISONS ESTHÉTIQUES. VRAI, MAIS UN PEU COURT TOUT DE MÊME !
Comme je vous l’expliquais plus haut, l’or est naturellement mou.
L’alliage a donc deux fonctions essentielles:
- modifier la coloration naturelle du métal à des fins esthétiques
- augmenter sa résistance
Une fois additionné de cuivre, l’or fin se dote de nouvelles qualités.
L’alliage d’or rouge est donc :
- très dur
- résistant et donc durable
- plus difficile à rayer
- d’une couleur inaltérable
- résistant à l’usinage et donc idéal pour la fabrication industrielle
- et enfin il est É-L-A-S-T-I-Q-U-E
Eh oui, c’est à l’or rouge que l’on doit le fameux effet « ressort ».
Chez les bijoutiers et joailliers, on dit d’ailleurs de l’or rouge qu’il a « bonne mémoire ». En effet, si vous tordez une fine plaque d’or rouge (comme dans la vidéo ci-dessus), elle reprendra sa forme initiale sans garder de marque de cette manipulation.
Toutes ces qualités rendent donc l’or rouge particulièrement adapté à la fabrication de certains bijoux ou plutôt à certaines parties stratégiques de vos bijoux. La plupart du temps, il s’agit d’éléments mécaniques souvent manipulés et donc très sollicités, comme:
- les épingles de broches,
- les épingles de cravate
- les ressorts
- les fermoirs
- les cliquets, charnières et autres articulations.
Bracelet articulé vintage (années 40) en or rose et or jaune. Collection privée. Crédit photo: Bob Ivanovitch.
Leurs qualités physiques ont donc longtemps valu à l’or rouge et à l’or rose de rester cantonnés à des seconds rôles. Ils étaient bien présents, seulement on ne les voyait pas. Pourquoi?
#4. L’OR ROUGE ET L’OR ROSE N’ONT AUCUN DÉFAUT. EH NON! CE SERAIT TROP SIMPLE…
Ils sont très (trop !) durs
L’or rouge et l’or rose ont bel et bien les défauts de leurs qualités. Et pour cause, ils sont incroyablement durs. Une qualité qui devient vite un défaut lorsqu’il s’agit de sertir une pierre…
Eh oui, l’or rouge et l’or rose ne sont pas les alliages favoris des sertisseurs qui leur reprochent très justement leur manque de souplesse.
Médaillon, première moitié du XIXe siècle, en or rouge repercé, argent serti de diamants et perle naturelle. Collection privée. Crédit photo: Bob Ivanovitch.
Ils sont donc très rarement utilisés pour mettre en scène des pierres précieuses et fragiles comme l’émeraude, que seule une main experte pourra sertir sur un métal aussi dur*.
Mais ce n’est pas tout. En cas de choc, au lieu de protéger la pierre, l’or rouge amplifie au contraire l’effet du choc en exerçant sur elle une pression supplémentaire, quand bien même elle aura été sertie dans les règles de l’art.
* Quand certains déconseillent le mariage de l’or rose ou rouge à l’émeraude en invoquant des considérations esthétiques, cela ne dissimule-t-il pas en réalité un manque de savoir-faire…? Le rouge et le vert sont bien des couleurs complémentaires? Dans ce cas, pourquoi ne pourrait-on pas les associer?
Agnolo Bronzino, Portrait de Dame en vert, 1528-32. Collections Royales, Château de Windsor, Londres.
Vous comprenez mieux maintenant j’en suis sûr, pourquoi l’or rouge et l’or rose sont restés si longtemps invisibles. Massivement utilisés pour constituer la structure du bijou, ces deux alliages étaient généralement soudés par la suite à un autre métal qui permettait justement de sertir plus facilement les pierres.
Bague (première moitié XXe siècle) or rose, or gris serti de diamants. Collection privée. Crédit photo: Bob Ivanovitch.
C’est pourquoi il n’est pas rare de voir combinés au sein d’un même bijou deux alliages de couleurs différentes. Entre 1915 et 1935, de nombreuses bagues Art déco étaient ainsi constituées d’un corps massif en or rose, dont les épaules et volumes étaient ensuite couverts d’argent, d’or gris ou de platine pour recevoir le pavage de pierres précieuses.
Aujourd’hui, on trouve également très souvent des bagues dont le corps est en or rose tandis que les griffes qui soutiennent la pierre centrale sont en or jaune.
Bague (années 40) or rose, or gris serti de rubis et diamant. Collection privée.Crédit photo: Bob Ivanovitch.
La tendance étant à l’or rose, nombre de fabricants ont cru pouvoir contourner l’écueil du sertissage en modélisant les grains de métal qui sont censés ensuite recouvrir la pierre. Mais faute de métal suffisant pour enserrer la pierre, non seulement elles risquent de se dessertir avec le temps mais en plus de se casser au moindre coup… Une solution certes peu onéreuse et certainement très rapide mais à long terme un mauvais calcul si l’on souhaite s’offrir un bijou qui perdure dans le temps…
Ils sont inadaptés aux effets de surface et ne se prêtent pas idéalement aux textures.
Si vous aimez les surfaces lisses, brillantes et uniformes, l’or rose et l’or rouge sont faits pour vous. En revanche, si vous aimez les surfaces travaillées, ciselées, gravées et animées, faites un trait définitif sur ces alliages qui ne se prêtent à aucune gravure profonde.
Ils sont colorés. Justement.
L’or coloré ne s’accorde évidemment pas avec toutes les couleurs de pierre, même si cela reste une question de goût.
En toute logique, si l’on aime les diamant blancs, on évitera de les associer à un métal qui leur donnera inévitablement une coloration rosée.
Jusqu’à présent cette coloration était compensée par l’utilisation de métaux blancs. Du moins était-ce la règle jusqu’à récemment, sauf qu’avec la mode grandissante des diamants de couleur et plus particulièrement des diamants rosés ou rouges (très rares!), certains ont décidé de tirer parti de la couleur du métal pour créer l’illusion de pavages de diamants roses en utilisant des diamants jaunes…moins rares.
#5. L’OR ROSE EST APPARU EN RUSSIE. FAUX
Comme je vous l’expliquais au point#2 de cet article, l’or rose et l’or rouge ne sont pas des « créations spontanées », venues de nulle part.
Toutefois, le XIXème siècle constitue une période d’épanouissement pour ces deux alliages qui connaissent alors une vogue sans précédent (notamment en Russie) due probablement à la conjonction de plusieurs évènements:
- la mode des bijoux historicistes remet à l’honneur des savoir-faire parfois très anciens comme le repercé florentin ou l’email sur métal précieux, deux techniques qui privilégient justement l’emploi de métaux fortement cuivreux. À ce titre, Peter Carl Fabregé, auquel on doit les fameux Oeufs de Pâques créés pour les Tsars, est l’un des principaux artisans de ce renouveau, qui s’accompagne de l’émergence de métaux aux tonalités chaudes.
Peter Carl Fabergé, Oeuf du Palais de Gatchina (or , émail, argent doré, diamants, cristal de roche, perles de culture), 1901. Offert par le tsar Nicolas II à sa mère, l’impératrice douairière Maria Fedorovna. Collections du Walter Arts Museum, Baltimore, États Unis.
- l’importance du rouge dans la culture traditionnelle russe, où un même mot « krasnoï » désigne à la fois la couleur « rouge » et l’adjectif « beau ». À l’époque, on parle même « d’or russe » pour désigner l’alliage d’or rouge. On le retrouve toutefois dans le reste de l’Europe, souvent combiné à l’argent, dans certains bijoux de l’époque victorienne notamment.
Broche (XIXe siècle) or rouge et opales australiennes. Collection privée. Crédit photo: Bob Ivanovitch.
- l’industrialisation des procédés de fabrication et la généralisation des apprêts en bijouterie.
Le XIXème siècle est le siècle des innovations techniques et le bijouterie n’échappe pas à la modernisation. Les manufactures de Pforzheim en Allemagne, de Birmingham en Angleterre, de Rhode Island aux USA, en généralisant l’emploi des métaux à bas titre et donc à forte proportion de métaux non précieux comme le cuivre, mettent au jour une nouvelle culture de la consommation en Europe, Russie et aux États-Unis. L’or rouge à bas titre (15, 14, 9 ou 8 carats) qui convient particulièrement à l’usinage, à l’estampage et à la fabrication de médailles fait alors fureur auprès des classes les plus modestes et jusqu’alors exclues de la consommation de bijoux. D’ailleurs la plupart des bijoux russes en or rose datant du XIXème siècle et du début du XXème siècle, aujourd’hui disponibles sur le marché des antiquités, se font largement l’écho de la mode de cette époque, et sont généralement au titre de 14 carats (56 zolotnik).*
« Jeanne amoureuse » (bague pièce unique par Robert Mazlo) or rouge, platine, brillants, cristal de pyrite, médaille en doublé or du
XIXème siècle. Crédit photo: Bob Ivanovitch.
*Petite remarque concernant l’histoire du bijou.
Contrairement aux oeuvres d’art, préservées dans le temps, notre vision du bijou est fortement biaisée. En effet, elle repose essentiellement sur les joyaux des puissants, ou, depuis le XIXème siècle, sur les bijoux à bas prix (les bas titres rendent difficiles la fonte du métal et donc son recyclage), qui ont majoritairement échappé à la fonte ou à la destruction. Par conséquent, il est toujours hasardeux de tirer des conclusions à partir des bijoux encore en circulation. Ils ne reflètent pas nécessairement toute la réalité d’une époque. À ce titre, les témoignages écrits des joailliers (comme Vever), les archives des Chambres de Commerce ou les rapports des jurys des Expositions universelles constituent une source d’information plus fiable.
#6. L’OR ROUGE ET L’OR ROSE SONT DES MÉTAUX FÉMININS. VOUS ÊTES SÉRIEUX?
Il faut avoir fait un tour sur les forums de discussions consacrés aux bijoux, florissant ça et là, pour comprendre à quel point les clichés ont la vie dure…
Jamais en effet, je n’ai vu autant d’adjectifs « connotés » pour ne pas dire « genrés » accolés à un alliage. Petit florilège pour vous illustrer mon propos:
moins viril (comprendre féminin)
trop féminin
Et par conséquent:
précieux
discret
fin
classe
raffiné
doux
mode
chaud
difficile à assortir
trop voyant
charmant
plus jeune
tendance
vintage
habillé
délicat
pas ostentatoire
intemporel
poétique
Ainsi, sur un forum s’adressant aux amateurs de montres (il ne s’agit évidemment pas d’une source scientifiquement fiable sur l’or rose mais elle reflète selon moi assez justement les remarques entendues pendant toutes ces années passées dans le monde de la joaillerie), à la question « Que pensez-vous de l’or rose ? », 12% des votants répondent que l’or rose est complètement féminin et « pas adapté aux hommes » (!!!!). Ambiance…
Si sur le principe, il est toujours agaçant de voir accolées des notions de douceur et de discrétion à la féminité (comme si les femmes avaient le monopole de la douceur et les hommes celui de la force…), cela l’est d’autant plus lorsque cette association se révèle historiquement erronée.
Car non, ni le rouge, ni le rose ne sont des couleurs exclusivement « féminines », qu’on se le dise!
Raphaël, Jeune homme à la pomme. Portrait de Portrait Francesco Maria I della Rovere. Huile sur bois, 1505, Galerie des Offices, Florence.
Traditionnellement, la couleur rouge est associée dans l’histoire de la culture occidentale au genre masculin et à ses attributs « conventionnels »:
- le pouvoir
- la force
- l’activité
- voire l’agressivité.
Et pendant des siècles, la puissance expressive du rouge lui vaut d’être indifféremment associé aux représentants des deux sexes.
Lucas Cranach, Portrait de la princesse Sibylle de Clèves, 1526, Weimar.
Il faudra attendre le tournant du XXème siècle pour que le rose, issu du rouge soit associé au féminin et plus particulièrement au monde de l’enfance.
Une construction culturelle récente qui nous poursuit jusqu’à présent mais qui n’est en rien objective.
Le rose également appelé « petit rouge » a longtemps été considéré comme un rouge pour enfant destiné aux garçonnets à une époque où l’uniforme militaire était justement rouge. Jusqu’à l’apparition des teintures synthétiques, les enfants étaient indistinctement vêtus de blanc (que l’on pouvait faire bouillir sans craindre d’altérer les couleurs…). Les couleurs rouge et bleue étaient quant à elles réservées aux rubans et dentelles aussi bien pour les filles que pour les garçons.*
Franz Xavier Winterhalter, Portrait de Louis-Philippe-Marie-Ferdinand-Gaston d’Orléans, Comte d’Eu (1842-1922), 1845. Versailles ; musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.
L’or rouge et l’or rose ne sont donc pas a priori plus « féminins » que « masculins » et s’il fallait leur trouver un qualificatif, mieux vaudrait s’en tenir à l’objectivité de leurs propriétés physiques qui les désignent comme :
- durs
- résistants
- rétifs
- difficiles
- chauds
On notera toutefois un éclairage intéressant apporté sur l’or rouge et son rapport au féminin par l’ethnologue Patrizia Ciambelli, qui dans « Parures des femmes, parures des Vierges« (1995), rapporte une croyance populaire qui veut que l’or rouge soit lié à la rousseur et par extension au sang menstruel : « L’or rouge est ainsi nommé à cause de la quantité de cuivre contenue dans le métal. Mais on disait aussi que cette coloration venait de ce que les bijoutiers rajoutaient à l’or, au moment de la fusion du métal, des cheveux roux. Or, on sait bien que les roux portent sur leur corps la marque de leur conception pendant les règles. Ces croyances confirment l’équivalence entre le sang et l’or. »
*À ceux que l’histoire de la « genrification » des couleurs intéresse, je ne saurais trop recommander la lecture de l’ouvrage de Jo B. Paoletti, chercheuse de l’Université du Maryland « Pink and Blue: Telling the Boys from the Girls in America » qui étudie en détail la genèse de ce processus, notamment aux États-Unis.
#7. L’OR ROUGE ET L’OR ROSE CONVIENNENT À DES PERSONNALITÉS DOUCES ET CALMES. NI VRAI, NI FAUX !
L’or rouge et l’or rose étant associés au féminin, beaucoup considèrent, « par contamination », qu’ils conviennent particulièrement à des personnalités calmes, éthérées, éprises de douceur ( les stéréotypes, encore eux…).
Mais, comme nous l’avons vu plus haut, contrairement à leur apparence douce et chaude, l’or rouge et rose sont des métaux rétifs et difficiles.
Pour être travaillé, l’or rouge doit être littéralement battu ou frappé (d’où son utilisation pour l’estampage mécanique des médailles). D’après leurs propriétés physiques, ils seraient donc plutôt à recommander aux personnalités fortes pour ne pas dire têtues, impulsives ou casse-cous. Bref, à des personnes particulièrement actives et dont les bijoux ne doivent pas craindre les chocs !
« Héloïse », bague pièce unique par Robert Mazlo, en or gris, or jaune, or rouge, diamants et cristal de
tourmaline. Crédit photo: Bob Ivanovitch.
Mais gare aux généralités. La règle ne vaut jamais sans exception.
Peu importe que vous soyez un homme ou une femme, calme ou hyperactif(ve), le choix de l’alliage de votre bijou ne devrait jamais être guidé pas les modes, le diktat des apparences ou les stéréotypes. Ce choix doit être basé sur votre réalité, la réalité de votre mode de vie, sur l’usage que vous comptez faire de votre bijou et sur votre personnalité. Autant de paramètres qui varient tellement d’une personne à l’autre, qu’aucune généralité n’est valable. À vous de peser le pour et le contre.
#8. L’OR ROSE EST UN PHÉNOMÈNE DE MODE. VRAI
L’émergence récente de l’or rose pourrait coïncider avec un retour à des valeurs de confort, de sécurité et de douceur typiquement bourgeoises. Un phénomène que l’on peut associer à la mode du « nude » dans le maquillage et dans le prêt à porter, qui tous correspondent à la recherche d’un luxe discret, non-ostentatoire.
Plus prosaïquement, il correspond surtout à un virage dans les modes de production de bijoux, maintenant majoritairement fabriqués en série à l’aide de logiciels de modélisation. Les cires obtenues par prototypage sont éditées en très grandes séries, pour réaliser des bijoux ne requérant que peu ou pas de savoir-faire manuels (comme le sertissage ou la ciselure) en dehors du polissage.
#9. SI VOUS N’AVEZ PAS LE TEMPS DE LIRE TOUT CET ARTICLE, VOICI CE QU’IL FAUT RETENIR
- L’or rouge et l’or rose ne sont pas des sous-produits de l’or jaune. Ce sont simplement des alliages d’or coloré.
- L’or rouge et l’or rose ne sont pas des nouveautés. On retrouve leur trace depuis l’antiquité.
- L’or rouge et l’or rose conviennent particulièrement à la fabrication de bijoux tout or : les médailles et les chevalières ou tout autre bijou gravé en taille douce car l’or rouge et l’or rose s’usent plus lentement que les autres alliages d’or. Il sont particulièrement adaptés à la fabrication de bijoux destinés à être portés quotidiennement comme les alliances simples, les chaînes, les bracelets et les montres.
- Si vous tenez absolument à porter une bague ou un bijou de joaillerie en or rouge ou rose, mieux vaut opter pour une pierre relativement dure et peu fragile comme le diamant.
Sinon, l’option la plus commune depuis le XIXe siècle consiste à associer à l’or rouge un autre métal pour le pavage ou pour les griffes qui sertissent les pierres (argent, platine ou or jaune).
Et surtout n’oubliez pas que l’or, quelle que soit sa couleur, est un cadeau précieux de la Nature et qu’en tant que tel, il devrait être traité avec respect et parcimonie. Alors, dans la mesure du possible, privilégiez les métaux recyclés et n’hésitez pas à donner une seconde vie aux pierres précieuses qui dorment dans votre boîte à bijoux en faisant créer un bijou totalement original et sur-mesure.
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